Le street art bénéficie-t-il de la protection du droit d’auteur ?
L’art urbain a envahi les métropoles mondiales. New-York, Berlin, Londres, et même notre chère ville de Marseille n’échappent pas à la règle...

les créations du street art sont-elles des oeuvres de l’esprit ?

 

 L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable. Voici ce que prévoit l’article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle (CPI). Ainsi, pour qu’une création artistique bénéficie de la protection du droit d’auteur, il faut au préalable déterminer s’ils peuvent être considérés comme des œuvres de l’esprit. Des indications sont données à l’article L.112-2 du CPI. Parmi cette liste se trouvent les œuvres de dessin, de peinture, d’architecture, de sculpture, de gravure, de lithographie, les œuvres graphiques et typographiques.  Les graffitis, tags, mosaïques et autres créations d’art urbain semblent entrer dans ce champ d’application.

Cependant, le seul critère de création ne suffit pas à caractériser une œuvre de l’esprit. Le critère essentiel de détermination est l’originalité de l’œuvre. Pour être considéré comme tel, le graffiti ou le tag devront donc porter l’empreinte de la personnalité de leur auteur. L’analyse de l’originalité est subjective et dépendra donc de la décision du juge de constater ou non que l’artiste a fait des choix libres et créatifs. Tel fût le cas pour les mosaïques de l’artiste Invader (TGI de Paris, Chambre civile 3, 14 Novembre 2007, 06/12982) : « il en est ainsi de la transposition sous forme de carreaux de piscine des pixels du jeu vidéo préexistant, cette formalisation portant l’empreinte de sa personnalité et il importe peu que d’autres artistes aient pu transposer dans d’autres matériaux des créatures pixélisées extraites de jeux vidéo. De même la nature des supports urbains desdits carreaux de piscines scellés dans les murs, et le choix de leurs emplacements portent l’empreinte de la personnalité de leur auteur ».

Photos © Patrick Gherdoussi pour Libération

Bien évidemment, il est utile de rappeler que l’artiste doit rester identifiable. L’affaire Banksy illustre parfaitement cette nécessité. En effet, l’anonymat de Banksy a été considéré comme l’EUIPO comme un frein dans l’exercice de ses prérogatives du droit d’auteur, rendant impossible la preuve de sa paternité sur l’œuvre (EUIPO, 14 septembre 2020, n°33843C)

La petite fille au ballon, de Banksy. Londres, 2002. Wikipédia/Dominic Robinson, CC BY-SA

 

Ce droit est-il absolu ?

 

Le principe du street art est qu’il est réalisé dans l’espace public. Les dessins seront donc inscrits sur des supports extérieurs à l’artiste et qui peuvent être publics ou privés. Dans la pratique, il est assez rare que le consentement des propriétaires de ces biens soit sollicité. Ce cas de figure entraîne des conflits entre le droit de la propriété intellectuelle et le droit pénal, le droit de l’urbanisme et le droit des biens.

Sans autorisation du propriétaire du support, les créations artistiques urbaines entrent dans le champ de la dégradation et tombent sous le joug de l’article 322-1 alinéa 2 du Code pénal qui dispose que « le fait de tracer des inscriptions, des signes ou des dessins, sans autorisation préalable, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain est puni de 3 750 euros d’amende et d’une peine de travail d’intérêt général lorsqu’il n’en est résulté qu’un dommage léger. ». Or, à partir du moment où une œuvre est illégale, peut-elle bénéficier de la protection du droit d’auteur ? Les textes de lois ne nous donnent pas de réponse, la licéité n’étant pas spécifiée comme une condition d’obtention ou d’exclusion de la protection.

De plus, en droit français, la propriété incorporelle est indépendante de la propriété matérielle. Cette indépendance prévue à l’article L.111-3 du CPI, rajoute une problématique supplémentaire. Si l’auteur bénéficie bien d’un droit sur l’œuvre et que le propriétaire du support peut également faire valoir ses droits, comment concilier les deux ? Plusieurs cas de réponses s’offrent à nous. Dans la première hypothèse, le propriétaire du support a donné son accord à l’artiste. Ici, le les litiges seront régis par les règles applicables au droit d’auteur. Dans la seconde hypothèse, l’artiste n’a pas sollicité l’accord du propriétaire du support. Compte tenu de l’illégalité de cet acte, le droit de propriété semble prévaloir sur le droit d’auteur, comme l’a décidé la Cour de cassation dans son arrêt du 11 juillet 2017. En l’espèce, le street artis Azyle avait été pris en flagrant délit de tag sur les rames de métro de la RATP. Pour sa défense, le graffeur revendiquait sa liberté d’expression et la protection du droit d’auteur. Malheureusement, ces arguments n’auront pas suffi à convaincre la Cour qui a condamné Azyle au paiement de 140 000 euros et à huit mois d’emprisonnement avec sursis. La notion de propriété semble donc prévaloir sur celle du droit d’auteur (Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 juillet 2017, 08-84989)

© Azyle

Conclusion

 

Les créations artistiques urbaines peuvent être considérées comme des œuvres de l’esprit et donc bénéficier de la protection du droit d’auteur sous certaines conditions. Cette création doit revêtir l’empreinte de l’auteur et doit être réalisée avec l’accord du propriétaire du support, à l’instar de l’artiste Shepard Fairey, plus connu sous le pseudo de OBEY, qui a réalisé plusieurs œuvres pour la mairie de Paris. A défaut, l’œuvre sera considérée comme de la dégradation et risquera de perdre sa protection.

 

©SL / actu Paris

 

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