L’Assemblée nationale a définitivement adopté dans la nuit de dimanche à lundi l’extension du passe sanitaire à de nouvelles activités professionnelles. L’une des mesures phares de cette loi concerne l’obligation pour les salariés des secteurs concernés de présenter un passe sanitaire valide.
Si, dans un premier temps, la sanction prévue pour le non-respect de cette obligation était le licenciement, les parlementaires ont finalement décidé d’opter pour une suspension du contrat de travail. Véritable insécurité pour les salariés, la suspension est considérée avoir été choisie pour avantager l’employeur. Bien qu’effectivement l’employeur ne sera plus tenu de verser une indemnité au salarié concerné, il n’en demeure pas moins soumis à d’autres inconvénients.
Pourquoi les parlementaires ont remplacé le licenciement par une suspension du contrat de travail ?
Dans son projet de loi, le gouvernement avait choisi de sanctionner les salariés par un licenciement. Le salarié ne présentant pas de passe devait être immédiatement suspendu. Au bout de deux mois, un point devait alors être effectué afin que l’employeur puisse décider soit de suspendre le contrat de travail, soit d’engager une procédure disciplinaire pouvant débouchée sur un avertissement, une mise à pied ou un licenciement pour motif personnel.
Pour rappel, la procédure de licenciement pour motif personnel est strictement encadrée par la loi. Tout d’abord, l’employeur doit convoquer le salarié avec une lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge pour le convoquer à un entretien préalable. La lettre doit indiquer au salarié la possibilité de bénéficier de l’assistance d’un autre salarié appartenant à l’entreprise, éventuellement représentant du salairé, ou bien d’un conseiller extérieur appelé conseiller du salarié, en l’absence de représentant du personnel dans l’entreprise. Cette lettre mentionne alors les coordonnées de la mairie et de l’inspection du travail où le salarié peut trouver la liste des conseillers. L’entretien doit avoir lieu minimum 5 jours ouvrables après présentation de la lettre de convocation. Durant ce dernier, l’employeur expose les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié. Suite à l’entretien, le licenciement doit être notifié au salarié par lettre RAR minimum deux jours ouvrables après la date de l’entretien préalable. A partir de la présentation de la lettre, un préavis commence.
Concernant les indemnités, le salarié a droit à plusieurs indemnités
- L’indemnité légale ;
- L’indemnité compensatrice de congés payés ;
- L’indemnité compensatrice de préavis.
Il est important de souligner que plus le salarié aura d’ancienneté, plus l’indemnité sera importante. C’est là que se trouve l’explication du changement pour la suspension de travail ! En effet, la procédure de licenciement s’avère longue et coûteuse pour l’employeur.
- Comment va se dérouler la suspension ?
Dans le cadre de la suspension prévue dans le texte de loi, cette dernière prendra effet le jour même et entrainera « l’interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié produit les justificatifs requis ». Lorsque cette situation perdure au-delà de trois jours, « l’employeur convoque le salarié à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d’affectation, le cas échéant temporaire, au sein de l’entreprise sur un autre poste non soumis à cette obligation »
- La suspension est-elle vraiment plus avantageuse pour l’employeur ?
Vous l’aurez compris, le choix du licenciement était en réalité plus profitable aux salariés. En effet, dans le cadre de la suspension, l’unique option pour le salarié de retrouver un travail est de démissionner, ce qui le priverait d’allocations chômage. Les salariés se retrouvent donc dans une impasse financière.
Cependant, la suspension du contrat de travail n’avantage pas plus l’employeur. Certes, il n’est plus tenu de payer ou d’indemniser les salariés suspendus. Cependant, son organisation interne se retrouvera directement impactée, notamment dans les petites structures. La suspension étant immédiate, l’employeur se retrouvera brusquement avec un ou plusieurs effectifs en moins. Il devra délivrer aussitôt et par tout moyen un arrêt d’activité à ce ou ces salariés. Il faudra ensuite trouver en urgence des remplaçants au salarié suspendu, surement vaccinés et embauchés via un CDD. Or, qui dit CDD, dit versement d’une prime de précarité lorsque le contrat arrive à sa fin.
La suspension n’est pas la seule contrainte. L’employeur devra également procéder chaque jour au contrôle de ses employés et de ses clients, qui affecte là encore l’organisation interne de la structure.
Enfin, tout ce désordre pourrait indirectement impacter son activité commerciale. En manque d’effectif et contraint d’embaucher une personne dans l’urgence, la qualité de ses services pourraient en être affectée et son chiffre d’affaire diminué.
Conclusion
Finalement, il est faux de penser que les employeurs ont été avantagés par les parlementaires. La suspension du contrat de travail est tout aussi problématique pour lui qu’un licenciement. De plus, lorsque l’on se penche sur le texte, de nombreux vides juridiques sont à déplorer :
- Le texte vise les salariés, quid des stagiaires, alternant, sous-traitant, des employeurs non-salariés et autres personnes travaillant dans la société ? ;
- Comment va se dérouler l’entretien de mise au point au bout de trois jours ? Les modalités devront-elles ressembler à celles d’un licenciement avec convocation et assistance ?
Pour le moment, le texte est entre les mains du Conseil constitutionnel qui décidera le 5 août s’il est conforme à notre constitution.
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