Existe-t-il un droit de retrait des footballeurs ? Peuvent-ils refuser de jouer dans le cas où leur intégrité physique ou moral serait menacée?
Dimanche soir, des incidents survenus des tribunes de supporters sont venus perturber le match entre l’Olympique de Marseille et l’OGC Nice. Alors qu’il était sur le point de tirer un corner, le joueur olympien Dimitri Payet a été touché par des projectiles. Sa réaction a été de relancer le projectile dans les tribunes, ce qui a engendré une violente réaction de la part des supporters niçois qui ont envahi le terrain pour en découdre avec le joueur.
Plusieurs altercations ont eu lieu, les arbitres, les équipes et le staff ont fini par rentrer dans le vestiaire le temps que la sécurité du stade et la Ligue de Football Professionnelle fasse le point sur une possible reprise du match.
Après plus d’une heure d’attente et de multiples visionnages des vidéos de surveillance, il a été décidé de reprendre le match. Malheureusement, l’équipe marseillaise, blessée lors des rixes et révoltée, n’a pas souhaité retourner sur le terrain et a, au contraire, préféré rentrer à la maison. L’argument invoqué était les défaillances de sécurité au sein de l’enceinte sportive.
C’est quoi le droit de retrait ?
Le droit de retrait autorise un salarié, lorsque la situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, de quitter son poste de travail ou de refuser de s’y installer, sans l’accord de son employeur.
Ce principe est encadré par le Code du travail, à l’article L.4131-1 du Code du travail qui dispose que « Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d’une telle situation. L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection. »
Le législateur ne nous donne pas de définition de la notion de « danger grave et imminent ». L’appréciation de ce critère relève donc du juge. Ont par exemple été considérés comme tels :
- Des ouvriers de chantiers qui refusaient de procéder sans sécurité et sans protection à la remise en jeu de croisées en bois d’un appartement situé au 1er et au 3ème étage d’un immeuble ( soc., 20 mars 1966, D. 1996, IR p. 116) ;
- Un chauffeur routier qui refuse d’effectuer un nouveau transport compte tenu de l’horaire de travail, très supérieur à la moyenne ( soc., 2 mars 2010, no 08-45.086) ;
- Un salarié qui refuse de travailler au lendemain de l’agression d’un collègue par cinq personnes non encore arrêtées par la police (Cass. soc., 09 oct. 2013, n°12-22.288) ;
- La non reprise du travail par un salarié ayant subi deux agressions physiques sur un chantier de la part de trois collègues de travail, sans aucune sanction de la part de l’employeur (CA Besançon, 22 octobre 2013, n°12/01354).
La loi ne prévoit pas de formalités d’expression de ce droit. Une simple demande, écrite ou orale et sans délai, à l’employeur suffit. Le ou les salariés ayant exercé les droits ne seront pas sanctionnés en vertu de l’article L.4131-3 du Code du travail.
Comment s’applique le droit de retrait dans le football ?
Le droit de retrait s’applique au domaine sportif. La convention collective nationale du sport du 7 juillet 2005 prévoit à son article 6.2.5. qu’un salarié ou un groupe de salariés peuvent se retirer d’une situation de travail non conforme aux règles de sécurité lorsque cette situation présente un danger grave et imminent pour leur intégrité physique ou pour leur santé. Par extension, lorsque la situation présente un danger grave et imminent pour l’intégrité physique ou pour la santé des pratiquants qu’il encadre, le salarié ne pourra être sanctionné pour avoir exercé son droit de retrait et ne pas avoir exécuté les instructions reçues.
Le secteur du football ne fait pas exception à la règle. Certes, la convention charte du football professionnel ne prévoit aucune disposition spécifique sur le droit de retrait. Cependant, cela n’équivaut pas à une interdiction. En cas de conflits de règles, ce sont les dispositions les plus favorables au salarié qui s’appliquent. Les footballeurs professionnels sont des salariés et peuvent donc exercer leur droit de retrait. Souvenez-vous, en 2020, la saison de football avait été suspendue en raison de l’épidémie. Après plusieurs mois d’attente, la LFP avait émis le souhait de terminer la compétition durant l’été. Certains joueurs avaient alors évoqué la possibilité de faire valoir leur droit de retrait. De même du côté des arbitres qui ont déjà revendiqué ce droit après avoir subi des agressions dans le cadre de leurs fonctions.
Conclusion
Les joueurs de l’Olympique de Marseille étaient bien en droit de refuser de poursuivre la rencontre. Néanmoins, les choses ne sont pas si simples.
Dans un premier temps, la LFP devra statuer sur l’éventualité de sanctions sportives. Les deux clubs sont à ce titre convoqués devant la commission de discipline ce mercredi.
Dans un second temps, le droit de retrait n’est pas la seule problématique juridique à pouvoir être aborder dans cette affaire. Selon le Code civil, le Code pénal et les textes de la LFP, l’organisateur du match a la responsabilité d’assurer la sécurité des joueurs et des spectateurs. Dans la pratique, le club organisateur s’est toujours vu imputer ce défaut de responsabilité, entraînant ainsi des sanctions sévères. Outre la procédure devant la Commission de la LFP, le club olympien pourrait entamer des poursuites sur le plan civil et le plan pénal pour mise en danger de leurs supporteurs et de leurs joueurs.
–
–
–
Chez Garoé Avocats nous travaillons en synergie avec les membres de notre écosystème, partenaires, clients et entreprises passionnés qui ont besoin de notre assistance technique et de notre expertise dans de nombreux domaines.
Si vous souhaitez en discuter avec nous, n’hésitez pas à nous contacter via notre page contact ou par mail à contact@garoe-law.com